L’art de Christian Lapie est requis par l’humain. Ses figures, qui se dressent dans l’espace, en appellent à la possibilité d’un dialogue qu’elles établissent avec le contexte où elles sont présentées. À Fougères, ville d’art et d’histoire, les œuvres de Lapie imposent leur présence par la noblesse de leurs formes et cette sorte de silence d’éternité dont elles sont chargées. Par-delà toute temporalité, elles font écho à la minéralité de l’architecture locale et au poids de son passé, aussi semblent-elles avoir toujours été là.
Extraites de la masse d’arbres fendus à la masse et aux coins puis silhouettés à la tronçonneuse et traités en profondeur, ses sculptures ne sont ni d’aucune origine, ni d’aucune époque, à l’égal de certaines productions artistiques primitives, parce qu’elles sont de toutes cultures et de tout temps. À l’image d’une figure humaine commune et schématique – celle-là même que l’on dessine en quelques traits simples -, elles réfèrent à l’idée de signe et à un langage commun, immédiatement accessible. Qu’elles soient individuelles ou en petits groupes, elles constituent dans leur rassemblement une communauté primordiale.
Quelque chose d’un ordre sacré est à l’œuvre dans le travail de Christian Lapie qui ne relève pas d’une idéologie spécifique mais d’une réflexion sensible sur la place mémorielle de l’homme dans le monde. Sa démarche, familière de celle d’un statuaire, est à la mesure des grands bâtisseurs pour ce qu’elle contribue à l’élévation de l’esprit. Le parcours que détermine la dizaine d’œuvres de l’artiste, disséminées au cœur de ville entre terre et ciel, invite ainsi le promeneur à prendre la mesure paradoxale d’un temps suspendu qui dure.
Philippe Piguet,
Commissaire de l’exposition.