Bref aperçu sur les champs de Sulzburg

2002

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Le nom du lieu-dit "Champ de Sulzburg" est attesté aux environs de 1790. Ce nom remonte certainement à une période plus ancienne que les représentations des cartes topographiques.

Le "Champ de Sulzburg" comprend les pâturages et les prairies qui s'étendent entre l'entrée du village en direction de Laufen et le chemin qui conduit à Dottingen.

Les pâturages qui composent le "Champ de Sulzburg", appartenaient aux habitants et au siècle dernier il y avait parmi eux des Juifs. Pommes, poires, foin, vignes, aucun gisement de gypse. Ces champs ont appartenu à de nombreuses personnes, ils en ont beaucoup vu..

S'ils pouvaient nous raconter leur histoire, ce seraient des histoires de la campagne du "Markgräfler Land" à la fois merveilleuses et terribles. Histoires de joies, de souffrances, d'amour, de colère, de soucis, histoires de gens qui vivaient les uns avec les autres ou les uns à côté des autres avec leurs différences, leurs états d'âme et leurs particularités.

C'est ainsi qu'ils pourraient nous raconter comment, dans ce siècle, le Conseil municipal de la ville a décidé dans un vote à l'unanimité de donner en 1926 à une rue le nom d'un Juif né à Sulzburg.

Le nom d'une rue pour honorer un scientifique juif, dont la vie et l'engagement personnel reflètent bien les tensions existant entre l'émancipation et l'assimilation au 19ème siècle. Nous ne savons pas si chacun des membres du conseil municipal était à l'époque conscient de la portée de ce geste, mais ce témoignage de respect a été prononcé à l'unanimité. 

Dix ans plus tard le nom des rues honorant des hommes et des femmes juifs fut supprimé. Auparavant un bureaucrate zélé avait indiqué le terme "Juif" en salissant une page du livre d'or de la ville consacrée aux personnes ayant été décorées pour leur participation aux combats de la Première Guerre Mondiale.

L'administration du canton de Staufen, respon- sable entre autres de la ville de Sulzburg a fait preuve de peu de respect et de tenue en supprimant , dans les tout premiers jours de janvier 1933, trois décorations destinées à des pompiers volontaires de Sulzburg. Ces décorations ne seront pas remises parce que les trois personnes concernées étaient juives. Ces personnes n'apprendront jamais ce fait. Pas une remarque, aucune indication sur les trois diplômes, rien.

Le dentiste juif Gustav Bloch, qui exerçait à Sulzburg fut presque battu à mort par son concurrent 'arien' le Dr. Erley au printemps 1933 et chassé de la ville, avant que le concurrent 'arien' ne confisque son cabinet dentaire: ce fait est tout aussi connu que les articles haineux publiés par Erley dans l'"Alemannen" contre Gustav Bloch qui émigra d'abord en Suisse avant d'aller à Paris.

Il se retrouve, l'été 1944, en tant que juif étranger au camp de Drancy. Livré aux Allemands il est déporté de France à Auschwitz. "Déclaré mort" - voilà l'inscription qu'on retrouve dans le livre commémoratif de la Direction des Archives Fédérales en 1986.

La présence de panneaux "n'achetez pas chez les Juifs" placés devant les magasins juifs de Sulzburg étaient visibles par tous.

De plus :

Que l'un des premiers actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions par le sous-préfet de Müllheim consista à enlever aux Juifs qui exerçaient une profession, le droit de se déplacer ce qui conduisait par là même directement au chômage.

Que l'on fasse disparaître en "détention préventive" dans des camps, le 10 Novembre 1938, les hommes juifs de Sulzburg, de Müllheim, de Kirchen (Efringen-Kirchen) avant d'engager la campagne de destruction des synagogues, et dont on ne les libère que plusieurs mois plus tard. Que des maisons juives soient soumises au pillage et que l'on réclame et réalise le souhait de transformer les propriétés des Juifs en propriétés du peuple.

Toutes ces actions et bien d'autres se déroulent au vu et au su de la population. On en est témoin, on en parle, cela existe. Les archives collectives du souvenir ne font pas mention d'une vigilance particulière pour les voisins de religion juive, elles portent plutôt témoignage des brimades mesquines, haineuses et méchantes, sous couvert de légalité.

Et lorsqu'un quotidien du pays de Bade qui ne nous est pas inconnu titre à la fin de l'été 2000 à propos de la déportation des Juifs le 22 octobre 1940 "Tout à coup, ils n'étaient plus là..." nous pressentons: le voile indulgent de l'oubli recouvre les champs du souvenir, à Sulzburg et ailleurs.

Donc des raisons pour entamer la discussion avec les longues ombres portées du souvenir.

Jost Grosspietsch

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