Trois questions à... Mohaman Toukour

2002

Le Monde

1. Vous êtes le maire de Ngaoundéré et vous avez accepté d'accueillir le projet de Christian Lapie, une initiative inédite au Cameroun. Pourquoi ?

- Ce que fait Christian Lapie est pour moi une découverte. La sculpture n'est pas dans nos traditions, mais je l'accueille comme si c'était moi l'auteur. Je n'ai pas de grandes explications à donner, mais je suis très intéressé par cette œuvre d'art que chacun peut traduire à sa manière. Les gens commencent à comprendre ce que c'est, je l'ai constaté. Pour les intellectuels, ça dit beaucoup de choses, ça reflète beaucoup d'idées. C'est un début de culture plus avancée, plus réfléchie. La culture qui, selon moi, peut amener l'émancipation de nos pensées, de nos esprits. On en a besoin ici. Dans la province de l'Adamaoua, nous avons beaucoup de retard, la zone reste sous-scolarisée, en partie en raison de l'émigration des éleveurs.

2. Vous n'avez pas craint que cette présence d'un artiste d'une autre culture soit mal reçue ?

- La religion musulmane ne tolère pas les statues, mais je n'ai jamais pensé que la population puisse être choquée. Nous vivons avec des chrétiens qui attachent la forme d'une personne à leur cou. Nous recevons des prêtres qui portent des croix. Personnellement, j'ai fait mes études à l'école catholique. Le Cameroun est un pays laïque, et les musulmans ne sont pas les seuls à pouvoir y vivre. Tous les Camerounais ont les mêmes droits. La population d'ici a vécu avec d'autres depuis des millénaires, donc il n'y a pas de "problème Lapie". Je lui ai seulement demandé d'éviter les points sensibles, comme les mosquées.

3. L'accueil de ce projet peut-il vous fournir un argument électoral ?

- Nous soutenons aussi financièrement le projet : la mairie va verser 1 million de nos francs (environ 1 500 euros). Ce n'est pas du tout un argument électoral, parce que ce sont les jeunes qui, maintenant, comprennent ce que cette réalisation veut dire. A-t-on besoin de profiter de toute occasion pour faire une campagne politique ? Ma campagne, je crois que je l'ai faite depuis le premier jour où je suis devenu maire, il y a huit ans.

Geneviève Breerette

Imprimer (Print)