Une œuvre de Christian Lapie, hommage aux Tirailleurs sénégalais, inaugurée sur le Chemin des Dames le samedi 22 septembre 2007.
« Constellation de la douleur », c'est le titre de l'œuvre monumentale de Christian Lapie installée à proximité de la Caverne du Dragon, sur l'une des pentes du Chemin des Dames où sont tombés au cours de l'année 1917 des milliers de soldats africains des bataillons de Tirailleurs sénégalais. Cette sculpture est composée de neuf statues en bois brut calciné toute en longueur dressées vers le ciel. Elle a été commandée par le Conseil général de l'Aisne - dans le cadre des commémorations du 90e anniversaire des batailles du Chemin des Dames - afin de rendre hommage à ces milliers d'hommes venus des ex-territoire de l'Afrique occidentale française, enrôlés et précipités dans une guerre que se livraient les Européens.
Installation réalisée en collaboration avec les architectes Maud Leforestier et Frédéric Blerot de l'agence Dubus-Richez à Paris. La sculpture est inaugurée ce samedi 22 septembre 2007 par Yves Daudigny, Président du Conseil général de l'Aisne et Stéphane Fratacci, Préfet de l'Aisne, une date suggérée par le Haut Comité à la mémoire combattante dans son programme des célébrations nationales 2007. La cérémonie est ponctuée d'un hommage musical rendu par le saxophoniste Manu Dibango et d'une lecture du célèbre poème « Hosties Noires » de l'écrivain et chef d'Etat Léopold Sédar Senghor par le comédien et metteur en scène Didier Perrier de la compagnie l'Echappée.
Entretien avec Christian Lapie
- C'est la première fois que vous abordez la guerre de 14-18 dans votre œuvre ?
- Christian Lapie : En effet. Mais toute ma culture est nourrie de cette histoire : mon arrière-grand-mère est alsacienne, mon grand-père a fait la guerre 14... Et à Val de Vesle, j'habite la seule maison du village à ne pas avoir été détruite en 14-18 ! Quand la demande du Conseil général de l'Aisne est arrivée, cela a été comme la concrétisation de tout un parcours. J'allais pouvoir enfin parler de quelque chose d'enfoui sous mon « territoire culturel », pouvoir dire haut et fort des choses qui ont construit mon travail artistique depuis 25 ans.
- Pourquoi ce titre « Constellation de la douleur » ?
- C. L. : L'idée de douleur était évidente pour moi : les souffrances sur cette terre du Chemin des Dames, c'est quelque chose d'absolument insensé ! Mais cette jeunesse de douleur pour tous ces Africains - et pour les autres ! - comment la relier à quelque chose qui soit une sorte de pérennité, d'éternité, de constance ? Puis on a décidé d'implanter l'oeuvre près de la Caverne du Dragon. Il se trouve qu'il y a une Constellation du dragon. Et j'ai pensé que ces étoiles étaient comme une présence permanente, un écho dans le ciel de la douleur de ces gens qui ne sont plus là.
- Dans votre œuvre, vous cherchez toujours à établir un rapport avec le paysage environnant.
- C. L. : Oui, mais il y a deux choses nouvelles sur ce projet. C'est d'abord la dispersion des pièces, habituellement toujours groupées, voire serrées, dans mon œuvre*. Ici elles sont dispersées : quand il y a douleur, on est seul... L'autre nouveauté, c'est le travail sur le terrain. Sans vouloir, j'insiste bien là-dessus, refaire une tranchée - je préfère le mot saignée -, j'ai voulu créer un signe dans le terrain, pour qu'on prenne conscience d'une déchirure, d'un arrachement... De l'intérieur de cette saignée, on aura aussi une vue particulière sur le paysage, comme une fenêtre de tir. Et en s'isolant ainsi complètement, il y aura un côté presque religieux, cela pourra être un lieu de méditation, même s'il est fugace...
Propos recueillis par Guy Marival
Un lien de soutien amical avec la Coordination Lorraine Douleur, soins paliatifs COLORDSPA
